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Tribune d’Alain Coheur “Une crise de plus pour une dernière prise de conscience! La der’ des der’?”

Crises financière, économique, sociale, alimentaire, migratoire, sécuritaire, écologique … ? et enfin ….crise sanitaire, pas la première tant s’en faut. Par le marketing de la peur, on nous fait passer d’une crise à une autre et on enfonce le monde dangereusement, paralysé délibérément à ne pas vouloir remettre en cause fondamentalement le  modèle économique de développement […]

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Crises financière, économique, sociale, alimentaire, migratoire, sécuritaire, écologique … ? et enfin ….crise sanitaire, pas la première tant s’en faut. Par le marketing de la peur, on nous fait passer d’une crise à une autre et on enfonce le monde dangereusement, paralysé délibérément à ne pas vouloir remettre en cause fondamentalement le  modèle économique de développement qui depuis  des années a donné la priorité aux intérêts financiers en privatisant ses services publics et en affaiblissant sa protection sociale, s’est accaparé les richesses au profit de quelques uns, a démantelé l’Etat et sacrifié les plus faibles  sur l’autel de l’austérité servie comme la ritournelle « there is no alternative », a déroulé les dogmes comme des prophéties auto réalisatrices, a atomisé les rapports entre êtres humains pour en faire des consommateurs avides de jouissance compulsive.

Les sacrifiés d’aujourd’hui étaient déjà les sacrifiés d’hier : tous ces anonymes, toutes ces professions devenues insignifiantes aux yeux des puissants, banalisées, peu valorisées voire dévalorisées se retrouvent aujourd’hui dans la lumière des projecteurs. Des professions dont nous avons oublié qu’elles sont essentielles à la cohésion sociale ; des professions qui résistent depuis des années aux coups de butoir de la rentabilité, de la productivité, de l’efficacité économique ; malgré les protestations, malgré les appels lancés face à un vide politique sidéral, sidérant. Ces  travailleur.euse.s de la première ligne de notre santé, de notre système de santé, ce sont les infirmièr,e,s, les soignant,e,s, les aides à domicile, les généralistes, les éducateur.trice.s, les psychologues, les puéricultrices, les travailleurs sociaux, , tous les professionnel.le.s qui accompagnent les personnes malades, exclues ou en souffrance, en marge, dépendantes, sans domicile, sans papiers…

Nous avons oublié, nous avons négligé le sens des communs, l’importance des biens communs, ceux qui nous unissent, ceux qui nous réunissent, ceux qui nous définissent dans nos rapports humains, dans notre existence. Notre société part un peu plus à la dérive parce qu’elle était déjà fragilisée, volontairement segmentée, désorientée, entourée par les ombres mortifères des poussées nationalistes et des populismes renaissants.

Cette crise sanitaire révèle toutes les dérives et toutes les inégalités de nos sociétés : depuis l’état et la qualité de nos systèmes de santé à l’accès à des logements salubres, en soulignant la précarité des familles, la précarité de l’emploi, les salaires indécents vers le haut pour quelques-uns et vers le bas pour la plupart des métiers, souvent d’ailleurs dans les secteurs très féminisés.
Et il aura suffi d’un virus, nourri par l’avidité et la cupidité de certains pour que tout cela soit révélé, et que dans le même mouvement soit mise à bas toute notre économie et que soient ébranlées de nombreuses certitudes.

Dès lors, lourdes seront les responsabilités du monde politique comme du monde économique pour imaginer la sortie. Car il n’y aura que deux issues possibles :  soit nous considérons que cette crise fait partie des aléas auxquels nous devons faire face de manière ponctuelle et nous organiserons la société pour mieux y répondre soit nous changeons radicalement de perspective, et nous choisissons un autre modèle de développement. « There is an alternative » post-crise sanitaire, un New Deal, un nouveau Pacte social et environnemental dont les piliers seraient les valeurs de solidarité, d’égalité, inspiré entre autres par les réussites de l’économie sociale, par la  mise en pratique par des gestes forts comme la relocalisation de notre production au travers des chaînes d’approvisionnement courtes, locales et sûres, la création d’emplois qui assurent un revenu décent à chacune et à chacun d’entre nous et des services publics revitalisés, reconnus parce qu’ils sont essentiels, en capacité de  mener correctement leurs missions, sous les auspices d’un Etat social et régulateur délié des marchés financiers.

Si nous faisons le bon choix, nous avons non seulement une chance de vivre la « der des der » des crises, mais aussi de changer notre rapport à la société et à son environnement. Dans le cas inverse nous revivrons les pires moments de l’histoire humaine.

Alain Coheur

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