complementaire-sante-30042012

Le nouveau modèle français

Le Premier Ministre a présenté dans une tribune récente le « Nouveau modèle français ». Selon ses propos «Réinventer le modèle français c’est accomplir dans tous les domaines la promesse républicaine … ». Ceci est vrai particulièrement pour la Protection sociale. Déplorant que « l’Etat a délaissé sa fonction stratégique », il affirme que « l’Etat doit renforcer ses politiques de solidarité ». La cohésion sociale et les solidarités nationales participent effectivement d’une politique stratégique qui vise à cimenter la Nation, à souder les générations, à réconcilier progrès économique et progrès social. Naguère le précédent président de la République avait emprunté, pour ses vœux au pays, une formule : la « politique de civilisation ». Edgar Morin auteur de ce concept précise aujourd’hui : « Nous sommes dans une civilisation où se sont dégradées les anciennes solidarités, où la logique égocentrique s’est sur-développée et où la logique du « nous » collectif s’est « sous-développée ». Le développement solidaire est un marqueur, sans doute politique, certainement de société.

Jean-Marc Ayraut affiche une méthode : le dialogue et la coopération entre l’Etat, la société civile et les collectivités. Un axe directeur ; « Il faut d’abord repenser le rôle des pouvoirs publics », « moderniser l’action publique ». Une doctrine : « L’Etat doit demeurer le garant de l’intérêt général et de la solidarité nationale ». Soit. Après la mise en place du dialogue social (négociation patronat-syndicats), de l’expertise (Haut conseil du financement de la protection sociale), viendra bien vite l’heure de la décision politique. Quelle solidarité nationale, quelle protection sociale ?

L’urgence se fait pressante. Sans aucun doute faut-il agir sur l’organisation et l’efficience ; le Premier Ministre évoque la volonté d’insérer l’hôpital dans un « véritable parcours de soins » et de « lutter contre les déserts médicaux ». Le gouvernement ne peut manquer d’agir aussi sur la qualité et la sûreté des prescriptions pharmaceutiques. Mais le socle solidaire, l’équilibre financier de la redistribution financière et sociale, appelle l’engagement d’un redressement durable. La dégradation des perspectives de croissance en accroît l’urgence. Une étude en cours (Chaire Transitions Economique et Démographique-Université Dauphine pour l’Institut Montparnasse) estime à 2% du PIB en 2015 et 2,7% en 2020 le besoin de financement supplémentaire pour une remise à l’équilibre. Un arbitrage est nécessaire pour ce financement supplémentaire, entre cotisations, contributions (CSG), capital/patrimoine, consommation. Les effets économiques (production, épargne/investissement) et sociaux (pouvoir d’achat, emploi, qualifications) seront différents selon les arbitrages rendus.

La crise elle aussi se fait pressante. Les niveaux de chômage, de précarité et de pauvreté sont très alarmants. Des voix s’élèvent (cf. le colloque récent de l’EN3S, Ecole nationale supérieure de sécurité sociale), pour « privilégier l’aide aux plus modestes et notamment les jeunes, quitte à remettre en cause des prestations universelles » (M.Elbaum) ou pour ouvrir des « débats difficiles sur la sélectivité des allocations familiales, la modulation du ticket modérateur en fonction des revenus et les revalorisations différenciées selon le niveau de pension » (R. Briet). La rénovation du modèle social préconisée par le Premier Ministre ne devra pas faire la confusion entre sécurité sociale et politiques publiques de solidarité. En France 80 % des prestations de protection sociale sont financées par des régimes obligatoires d’assurances sociales. Les cotisations sociales ouvrent un droit égal (en montant ou en proportion) aux prestations sociales. Les interventions des pouvoirs publics, Etat et collectivités, ont pour objet la compensation de difficultés ou d’inégalités objectives et sont différenciées dans leurs modalités et ciblées sur certaines catégories de population.

Visée universelle pour la Sécurité sociale, politiques sélectives pour l’intervention des pouvoirs publics. Ce modèle social n’est pas à réinventer, il est à conforter.

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