Quelle santé pour répondre aux défis de demain ?

Quelle santé pour répondre aux défis de demain ? Le 18 janvier dernier, l’Institut Montparnasse, en partenariat avec la Chaire ESS de l’URCA dirigée par Laetitia Lethielleux, organisait un événement consacré à la santé : « quelle santé pour répondre aux défis de demain ? ». Face à la précarisation de notre système de santé […]

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Quelle santé pour répondre aux défis de demain ?

Le 18 janvier dernier, l’Institut Montparnasse, en partenariat avec la Chaire ESS de l’URCA dirigée par Laetitia Lethielleux, organisait un événement consacré à la santé : « quelle santé pour répondre aux défis de demain ? ». Face à la précarisation de notre système de santé et aux inégalités de santé, comment des médecins, des patients, des mutuelles, des chercheurs expérimentent d’autres façons de faire ?

Pour répondre à cette question, nous nous sommes intéressés à la problématique des aidants, en donnant la parole à des entrepreneurs du secteur (Dr. Anne Malouli, fondatrice de Haltemis et Fabrice Provin, fondateur de Relais du Bien-être), ainsi qu’aux centres santé communautaires (avec l’intervention de Jérémie Malek-Lamy, coordinateur du centre Quartier Santé, Jean-Pierre Girard, professeur enseignant à l’UQAM, et Eric Comte, directeur du Geneva Health Forum).

Le constat est partagé : l’offre de soins médicale est en baisse et inégalement répartie sur le territoire. Aujourd’hui, 87% de la population française vit dans un désert médical, on ne compte plus que 147 médecins généralistes en moyenne pour 100.000 habitants (-3% par rapport à 2020). Face à l’augmentation de la population séniors, on ne peut que déplorer une baisse du taux d’équipement relatif à la perte d’autonomie. 76% des résidents d’EHPAD ne peuvent pas financer leurs frais de séjour avec leurs revenus courants et la situation d’aidant concerne aujourd’hui près d’une personne sur six (D’après les chiffres du second baromètre santé-social de l’AMF et la Mutualité Française, présenté lors du congrès des maires 2023).

L’économie sociale et solidaire, économie innovante au service de l’intérêt général, impulse une “santé renouvelée” (Jean-Pierre Girard) pour demain.

On ne peut que saluer les initiatives entrepreneuriales Haltemis et Relais du Bien-être pour les aidants. Basées sur un modèle économique qui préserve la gratuité pour le bénéficiaire, elles diversifient les partenariats et les financements, en mettant notamment l’entreprise à contribution.

Leur approche de la prise en charge est également singulière. Une prise en charge que le Dr. Malouli appelle “psycho-médico-sociale”. L’accompagnement d’Haltemis repose sur une typologie de besoins : cognitif, social, physiologique et subjectif. Relais du Bien-être propose du répit aux aidants dans des lieux ressources loin de leur quotidien.

L’approche holistique de la santé prend tout son sens ici : la prise en compte des déterminants de santé sont à la base d’un dispositif qui ne nécessite que très peu le médecin.

Cela n’est pas sans rappeler le cas de la coop SABSA située dans un quartier défavorisé de la ville de Québec. Cette coop d’infirmières praticiennes accompagne plus de 3600 personnes, dont 60% n’ont pas de médecins de famille. Les travaux de Jean-Pierre Girard ont pu mettre en lumière que dans 95% des cas, les médecins n’étaient pas utiles à la prise en charge du patient.

Sortir le médecin du cœur du dispositif pour y remettre le patient, c’est peut-être une des solutions pour passer d’une approche curative de la santé à une approche préventive.

C’est ce que revendique Jérémie Malek-Lamy, directeur coordinateur de Quartier Santé, un centre de santé basé dans un quartier prioritaire de la ville de Montpellier. L’équipe du centre est salariée, et constituée d’un coordinateur formé au travail social, deux médecins généralistes, un infirmier en formation en infirmier en pratique avancée, une sage-femme échographiste, un secrétaire médical et un chargé d’accueil médiateur en santé.
La médiation en santé, ou encore la santé communautaire, désigne l’accompagnement des personnes les plus éloignées du soin, notamment dans la complexité du fonctionnement du système de santé.

Le modèle d’un tel centre de santé communautaire, à l’opposé du modèle de la médecine libérale, n’est pas sans rappeler celui des établissements de santé mutualistes qui ont fait du salariat du corps médical la clé de voûte de leur organisation.

Prévention, promotion de la santé, coordination des parcours de santé et de soins sont donc les axes fondamentaux du fonctionnement de Quartier Santé, un centre résolument tourné vers les besoins de son territoire. Le curatif ne doit venir que dans un second temps.

Les enjeux de prévention sont nécessairement corrélés à ceux de l’éducation :

Education auprès des professionnels du corps médical et paramédical d’abord, afin que la prise en compte des déterminants de la santé par les professionnels soit une réalité.

Education des patients ensuite : une éducation à leur santé, et à leur système de santé. La gratuité de l’accès aux soins pour les patients doit s’accompagner d’une conscience du coût de la santé notamment. Cette montée en compétence des patients et des citoyens doit permettre une participation citoyenne accrue à la santé. L’exemple de la clinique communautaire de Pointe-Saint-Charles à Montréal (CCPSC) est de ce point de vue remarquable puisqu’elle est administrée selon une gouvernance citoyenne.

Face à la complexité croissante de nos systèmes de santé, les exemples de pays à ressources limitées sont notamment inspirants. Comme le souligne Eric Comte, le centre de santé communautaire est, en Afrique, le cadre de travail depuis plus de 30 ans, et l’éducation des populations, par des membres des communautés “agents de santé”, y est d’une efficacité redoutable en termes de prévention.

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