Former des administrateurs mutualistes : un engagement dans un contexte réglementaire

Le 18 janvier 2024 est lancée la douzième promotion du Master 2 Gouvernance Mutualiste porté par l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, désormais rattachée à l’Université Paris Saclay, dont l’Institut Montparnasse est partenaire avec la MGEN et la mutuelle belge Solidaris. Lancé en 2012, ce master comptabilise plus de 200 diplômés, de la MGEN, mais aussi de […]

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Le 18 janvier 2024 est lancée la douzième promotion du Master 2 Gouvernance Mutualiste porté par l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, désormais rattachée à l’Université Paris Saclay, dont l’Institut Montparnasse est partenaire avec la MGEN et la mutuelle belge Solidaris. Lancé en 2012, ce master comptabilise plus de 200 diplômés, de la MGEN, mais aussi de mutuelles africaines, belges ou encore françaises.

Ce master a été développé afin de palier à l’absence de parcours diplômants en
formation continue pour les dirigeants mutualistes. Si l’économie sociale est
désormais enseignée dans de nombreux master 2 en formation initiale, il
n’existe pas de masters spécialisés sur les mutuelles et encore moins dans le
domaine de la formation continue. La coopérative Coeptis, à la fin des années
2000, avait initié un parcours de dirigeants d’économie sociale, avant de
disparaître. Le parcours perdure, localement, dans quelques régions, porté par d’autres.

Or, les acteurs de l’économie sociale ne disposent pas à ce stade de parcours
mutualisés de formation, de centre commun d’accompagnement de leurs élus. Il faut regarder du côté des banques coopératives pour trouver des parcours
structurés, certifiants, voire diplômants pour des élus. 

Durant les années 70, la MGEN forme les militants et les salariés de son organisation, mais aussi ceux de syndicats. Au sein de son centre de formation, la mutuelle ne rompra jamais avec cette logique de formation. Depuis une vingtaine d’année désormais, elle s’engage à faire monter en compétences ses élus, ses « militants », et va au-delà. Au travers de ce master mais aussi d’autres initiatives avec d’autres universités avec des parcours valorisant la validation des acquis de l’expérience, forte dans ce secteur.

La gouvernance des mutuelles doit mettre au centre la formation de ses élus,
issus du terrain et dont les compétences sont à valoriser et à consolider pour
prétendre diriger des organismes assurantiels de poids importants.

Une mutuelle, à l’instar de toute organisation de l’économie sociale, présente une gouvernance régie par des modalités démocratiques : les adhérents élisent leurs représentants, parmi eux, selon le principe égalitaire une personne, une voix. 

L’Assemblée générale des adhérents est amenée à se prononcer sur les activités majeures de la mutuelle et élit son conseil d’administration. Celui-ci
est alors chargé de piloter l’activité de la mutuelle tout en rendant compte de
son activité et de son mandat l’année suivante aux délégués de l’Assemblée
générale. 

Les mutuelles ont fonctionné de nombreuses années selon ce modèle
à dominante « moniste ». Une Assemblée générale, un Conseil d’administration, un Bureau national chargé de piloter les activités de l’organisation, un Président. Le pouvoir décisionnaire est démocratique, unique, entier et obéit à une logique qui lui est propre. Les mutuelles ont, par tradition, formalisé les règles de gouvernance dans les statuts, le règlement intérieur, voire dans des chartes ad hoc. 

La tradition de la gouvernance mutualiste est celle de l’écrit, et non de l’oral, elle est formalisée et donc opposable. Cela tient au principe simple lié aux statuts des sociétés de personnes. Les engagements de chacun, les responsabilités, les droits, les devoirs qui lient les adhérents entre eux mais aussi à l’organisation ont une valeur contractuelle qui s’incarne dans les statuts. La gouvernance mutualiste, démocratique, a développé son fonctionnement « politique » durant des décennies avec de légères adaptations.

Un tournant se présente en 2001, pour les mutuelles comme pour l’ensemble des entreprises dans le monde. Enron, le géant américain, reconnu pour sa gouvernance exemplaire fait faillite en quelques mois au début des années 2000. Il représente avant tout la faillite de la gouvernance de cette société cotée avec ses « administrateurs fantômes » n’exerçant aucun contre-pouvoir ni contrôle face à des dirigeants avides et hors de contrôle. Le régulateur américain impose alors des principes qui feront date
dans la gouvernance de toutes les entreprises à travers le monde. La transparence, tout d’abord, rien de ne doit être masqué. 

Un état des lieux financiers des entreprises est rendu régulier et obligatoire. Deuxième principe, celui de la responsabilité. Les administrateurs n’étaient pas suffisamment engagés, impliqués, responsables. Ils doivent démontrer leur compétence, basée sur leurs diplômes et leur expérience, leur honorabilité, basée quant à elle sur leur absence de comportements délictuels. Ils doivent ensuite prendre pleinement leur place dans la formalisation de la stratégie, son suivi et le contrôle des risques. La contrepartie de la responsabilité réside alors dans leur pouvoir de contrôle. L’audit interne, le contrôle interne sont renforcés, des fonctions spécifiques sont identifiées pour les entreprises. Les Conseils d’administration responsables du contrôle sont invités à créer des Comités d’audit. Responsabilité et contrôle vont alors de pair. Les Etats-Unis pousseront également le principe de l’administrateur indépendant, pour lutter contre tout conflit d’intérêt, pour favoriser la compétence des administrateurs, pour protéger les intérêts des actionnaires il est recommandé de faire appel à des administrateurs n’ayant pas de liens financiers, familiaux avec l’entreprise. 

Un critère de bonne gouvernance tient alors dans le nombre plus ou mois élevé d’administrateurs indépendants. Le monde mutualiste résiste, l’administrateur indépendant est l’inverse opposé de ce que sont les administrateurs mutualistes : membres de la mutuelle, engagés, militants, mobilisés de longue date…

Les évolutions de la gouvernance mutualiste que connaît la mutualité aujourd’hui sont largement inspirées des principes précédents. La directive solvabilité 2 qui s’applique aux acteurs assurantiels en Europe depuis le 1 er janvier 2016 et l’autorité de contrôle en France, l’ACPR, dessinent les principales recommandations en termes de gouvernance. 

Le Conseil d’administration a un rôle renforcé en termes de contrôle et de suivi
des décisions stratégiques. Des comités sont créés et, de manière obligatoire,
un comité d’audit qui peut, doit démontrer d’une formation et d’une
compétence en matière comptable et financière pour le suivi des principaux
enjeux et éléments qu’il sera à même de contrôler. 

Le contrôle se renforce avec la nomination de responsables de fonctions clés, au nombre de quatre, la fonction actuariat, gestion des risques, audit interne et conformité. Le Comité d’audit, le Conseil d’administration doivent s’appuyer sur leur expertise. Le Conseil d’administration est positionné sur une mission renforcée autour de la stratégie et du contrôle. Deux dirigeants effectifs sont nommés, le Président du Conseil d’administration et le Directeur général. Pour permettre au tandem de fonctionner un comité exécutif autour d’eux favorise une mise en œuvre opérationnelle, articulée, entre dirigeants politiques et dirigeants salariés. 

Une nouvelle forme de gouvernance se dessine ainsi. La question est désormais celle de l’adéquation des compétences de tous les acteurs avec les missions qu’ils occupent dans la mutuelle, les administrateurs, les dirigeants effectifs, les fonctions clés. Pour cela, les mutuelles s’engagent dans une logique d’évaluation de la compétence individuelle des administrateurs, passage obligé pour entrer dans une évaluation de la compétence collective du conseil d’administration. A l’évaluation va suivre, nécessaire, la mise en œuvre de formations spécifiques.

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