Chroniques de l’IM, par Claire Bordas et Jean Marie Fessler : Contribution au tissage du relions-nous mutualiste


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Claire Bordas

élue du conseil d’administration
de l’Institut Montparnasse
depuis 2018, est attachée
d’administration de l’Etat.
Après un master en marketing et un
MBA à l’Université d’Ottawa, Claire exerce
chez TNS Sofres en tant que directrice
d’études pendant 7 ans. Elle rejoint en 2012
la fonction publique d’Etat, dans l’académie
de Nice. Elle est élue en 2015 secrétaire nationale
de l’UNSA Education, en charge de la
communication et du développement. Elle entre
à la MGEN en 2021 et y exerce une mission
d’animation de la vie militante.

Jean-Marie Fessler

docteur en éthique médicale
(1997) et en économie de la
santé (2006), a été directeur
d’hôpital (promotion de 1978) et
des établissements de la MGEN (2001-2009),
conseiller du président de la MGEN (2010-2017).
Il est président du conseil scientifique de
l’Institut Montparnasse, auteur de nombreux
livres et articles, consulting Professor de Stanford
depuis 2006 et enseignant à l’ESSEC et aux Arts
& Métiers, en particulier. Ses travaux actuels
portent sur les sciences du danger, l’économie
humaine et mutualiste, la santé globale sous
l’Ere numérique.

(43)

Introduction

Sous l’impulsion de Bertrand Souquet et du conseil d’administration de l’Institut Montparnasse, en lien avec Olivier Boned, le conseil scientifique se consacre cette année 2023 au phénomène polymorphe de la banalisation qui, depuis longtemps, touche et entame le mutualisme.

Le temps présent percute parfois rudement les bases sociales de la démocratie, des convictions républicaines éprouvées, des idéaux et pratiques de solidarité, des engagements en faveur du bien commun, une vision positive de l’histoire et de la dignité humaine, une transmission de qualité entre les générations, en particulier.

Ainsi, le monde est-il profondément marqué par la pandémie déclarée par l’Organisation mondiale de la santé le 11 mars 2020, puis par l’invasion de l’Ukraine depuis le 24 février 2022. Il faut ici rappeler les autres conflits majeurs actuels et leurs victimes, en majorité des civils, femmes et enfants : la guerre civile Syrienne - 600 000 morts depuis 2011 -, la guerre civile en Somalie - plus de 500 000 morts, depuis 1991 -, la guerre du Tigré en Ethiopie - de 300 000 à 500 000 morts -, le conflit ethnique au Sud-Soudan - 400 000 morts, depuis 2011 -, le conflit au Yémen - de l’ordre de 377 000 morts, depuis 2014 -, l’insurrection de Boko Haram au Nigéria - 360 000 morts, depuis 2009 -.

Et aussi la guerre au Myanmar, depuis 1948 - 500 000 morts - et celle, depuis trente ans, qui sévit à l’Est de la République démocratique du Congo et a tué plusieurs millions de personnes.

La guerre aggrave toutes les autres crises, écologique, alimentaire, économique, celle des civilisations et celle de la pensée.

Si, comme le rappelle Edgar Morin dans "De guerre en guerre", quatre-vingts millions d’humains étaient au bord de la famine en 2017, ils sont, après la pandémie et actuellement trois cent quarante-cinq millions. (Morin E., 2023) La banalisation de toutes les formes de violence conduit au pire.

Utilité sociale et perte de sens

Dans nombre de ses œuvres, l’anthropologue David Graeber (1961-2020) attirait notre attention sur une autre situation délétère de notre temps. Elle est double. 

D’une part, l’essentiel des profits des grands groupes financiers ne provient pas de ce qu’ils fabriquent et vendent mais de rentes créées par la réglementation.
Ceci est à analyser le plus profondément possible, avec l’aide des meilleurs connaisseurs des grands réseaux financiers français organisés selon les principes coopératifs du mutualisme
(R1)

Dans ce texte, nous userons du symbole (R) pour mentionner propositions et pistes opérationnelles.  

D’autre part, on observe une relation inverse entre la rémunération et l’utilité sociale du métier.
N’est-ce pas le cas des mondes santé-social et de l’enseignement, où les femmes sont majoritaires ? 

Peut-on ne pas rappeler que les pouvoirs publics, notamment en France, n’ont pas cessé, depuis cinquante ans, de réguler, contrôler, évaluer, soumettre à des grilles d’analyse et d’organisation les professionnels de ces métiers, sans que les fondements et axiomes des réformes aient été largement et profondément discutés ? Edouard Delruelle, en philosophe, s’y attache. (Delruelle E., 2020)

Cette régulation s’est faite au détriment du sens : des indicateurs déconnectés des situations réelles et d’une politique publique qui permettrait d’améliorer le service rendu tout en respectant les espaces d’autonomie des acteurs locaux.

En santé, en France, tels ont été les cas du numerus clausus, de la génération de 34 agences et opérateurs en santé, en sus des agences régionales de santé (ARS), de la tarification dite à l’activité (T2A).

Et aussi des regroupements internes et externes, des pôles d’activités et de soins adaptés (PASA) en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) aux communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS). Au total, notre santé globale relève aujourd’hui d’une liste de sigles.
ARS et grands hôpitaux diffusent des glossaires (1). L’économie sociale et solidaire (ESS) est contrainte d’y procéder aussi (2).

Les mutuelles face au monde d’après

On aurait pu attendre de la pandémie un tout autre monde d’après à l’égard des professionnels essentiels : leurs rémunérations, leurs horaires, leurs perspectives d’évolution, la pénibilité et les dangers auxquels ils sont confrontés.
Dès juillet 2020, Vaïa Demertzis et François Perl coordonnaient un premier remarquable retour d’expérience. (Demertzis V., Perl F., 2020)

Les personnes qui prennent soin des autres, qui privilégient le local, les systèmes auto-organisés en équipe, l’esprit mutualiste des défis posés par les aléas de la vie et relevés ensemble n’ont pas de reconnaissance à la hauteur de l’importance des services qu’elles rendent et de leur contribution au tissage social.

Esprits mutualistes fermés au matérialisme polymorphe, attachés au réel et à la réciprocité, avertis des dérives inhérentes à toute bureaucratie, à tout grand système prétendant construire l’homme nouveau, sous la gouvernance de programmes d’intelligence augmentée, dont les biais initiaux des algorithmes sont masqués sous couvert de protection industrielle, nous observons combien cette banalisation-là détruit liens sociaux et liberté humaine.

 

Depuis le 15 novembre 2022, nous sommes 8 milliards d’êtres humains, soit le double de la population mondiale de 1974. Quant au volume de données numériques créées ou répliquées par an qui était de 2 Zettaoctets en 2010, il était de 64 en 2020 et sera de 181 en 2025. Pour mémoire, le Zettaoctet équivaut à mille milliards de Gigaoctets.

 


Que nous le voulions ou pas, ces données, avec d’autres, ont des impacts plus ou moins visibles sur le quadriptyque [Information-Connaissance-Expérience-Compréhension], dont les équilibres dynamiques conditionnent nos liens humains et nos existences sur notre Terre-Patrie, selon un titre d’Edgar Morin et Anne-Brigitte Kern, publié en … 1993. (Morin E., Kern A-B., 1993)

Est-ce une situation rare que celle de l’acquisition de données ponctuelles tous azimuts, sans relation avec une information et une expérience réelles et donc sans les conditions d’une compréhension véritable, favorable aux meilleures interactions humaines ?

Conscients de cela, nous avons voulu écrire ensemble : une militante et élue syndicale et mutualiste, un ancien cadre dirigeant et enseignant.
Quels que soient les parcours de vie, le cursus universitaire, la vie familiale, les amitiés et cercles d’affiliation, l’intensité locale, nationale et internationale des pratiques professionnelles, il demeure que l’un ne connaîtra jamais ce qu’est l’engagement militant syndical et mutualiste, la vie d’une section MGEN et la participation aux débats et prises de décision du conseil d’administration et qu’il en ira peut-être de même pour l’autre dans certaines responsabilités opérationnelles ou d’enseignement.
Evoquons simplement que nos échanges, généralement à distance, ont commencé à l’automne 2021 et que l’une est plus particulièrement avertie en communication et marketing et l’autre en infoéthique, économie de la santé et science du danger.

Ce texte, consacré à la banalisation du mutualisme, vise à parcourir successivement des éléments de sémantique et de définition du phénomène de banalisation, certaines références bibliographiques, problématiques et représentations, dont les résonances induisent un ensemble de propositions, notées (R).

Un peu d’étymologie, d’abord.

Du nivellement à l’ordinaire

Par banalisation on entend généralement l’action de banaliser et le résultat de cette action. Le suffixe -ation indique une action. Son synonyme est le nivellement.

La séquence est vraisemblablement la suivante, depuis l’indo-européen : bha-ban-banal-banaliser-banalisation. « Bha » signifiait ouvrir la bouche, parler. Le ban est une proclamation annoncée sur un territoire. Au 12ème siècle de notre ère, l’ancien français « banir » signifiait annoncer, proclamer à cri public.
Le banage, la banie, le banement ou le banissement correspondaient au Moyen Age à des proclamations publiques faites par le banier.
Par extension, le ban désignera le territoire lui-même, le feod, le fief, l’espace géographique où les lois proclamées devaient s’appliquer et la règle qui établissait un monopole qui profitait au seul suzerain. Les serfs avaient obligation de n’utiliser que le matériel, un four, un moulin, un pressoir du ban seigneurial. C’est seulement au 13ème siècle que l’adjectif banal va caractériser, par extension, ce qui est commun à tous, moyennant le paiement d’une redevance. Banal traduira un manque d’originalité.

Le ban pouvait être aussi un jugement qui assignait à une résidence : celui qui n’obéissait pas, qui contrevenait à ce jugement était en rupture de ban. D’où le sens de bandit, banditisme, celui qui est mis au ban, banni. Bannir quelqu’un consistait à l’exiler du ban. Le banni est chassé du ban, proscrit d’un groupe. Celui qui s’opposait au ban, aux lois – contrebande, contrebandier – devenait un hors la loi, hors le ban ou forban.

On sait donc que Banal, banale est issu de bannel, au 13ème siècle, dérivé de ban, territoire soumis à la juridiction d’un suzerain, qui appartient à la circonscription seigneuriale, un four, un moulin, une pâture, par exemple, qui est à la disposition de tous, sous condition de redevance.

Et de l’ordinaire au manque d’originalité

Le verbe Banaliser est dérivé de banal, au 19ème siècle, et signifie placer sous le droit commun ce qui jusque-là jouissait d’un privilège exclusif, une voie, un terrain. L’antonyme de banaliser est, logiquement, ennoblir.
Au 20ème siècle, le nom banalisation, dérivé de banaliser, est l’action de rendre ou de donner à quelque chose une apparence ou une destination commune, de lui enlever sa marque distinctive, son caractère exceptionnel, original ou anormal.
Tout ce qui diminue l’importance, la valeur ou l’intérêt d’une organisation sociale, tout ce qui rend insignifiantes ou dérisoires ses décisions fondatrices ou concourt à sa dilution met en mouvement le phénomène de banalisation.

Chacun sait aussi que la banalisation de produits fabriqués industriellement est positive puisqu’elle diffuse le savoir-faire de leur fabrication, l’apprentissage de leur utilisation et le respect des règles de qualité et de sécurité qui s’y appliquent.
Des synonymes de banalisation sont dépersonnalisation et standardisation.
Quant à la dépersonnalisation, ils sont : déréalisation, désanimation, désappropriation, perte d’identité.
Quant à la standardisation, ils sont : alignement, fordisation, normalisation, régulation, rationalisation.

Au contraire du banal, nous aurons : brillant, chic, couleur, éclat, élévation, exception, hardiesse, nouveauté, originalité, pittoresque, entre autres ; soit une part des ressorts de la publicité, du marketing et de la communication et plus largement des pratiques de sélection sociale, économique et politique.

On peut alors s’interroger : comment passe-t-on de l’exceptionnel au banal ?
Est-ce un acte volontaire ? Certaines organisations parviennent-elles à organiser la banalisation, d’autres en sont-elles victimes ? Quels sont les avantages à être banal ?

Force est de constater qu’en cinquante ans, communicants et as des relations publiques et de la sphère médiatique ont fabriqué leurs récits des métiers essentiels, au détriment des professionnels dits de terrain. Les pseudos sophistications langagières ne devraient pas masquer une telle prédation. Un discours fabriqué, assez généralement négatif, sur les pratiques des métiers a justifié des réformes délétères et a sans doute concouru à bien des dégâts spirituels et moraux.

Mais il est des domaines dans lesquels la banalisation, trivialization en anglais, est le résultat d’immenses efforts continus. Il s’agira de haute fiabilité des réseaux vitaux – eau, énergie, transports terrestres, maritimes et aériens, approvisionnements, technologies médico-chirurgicales, en particulier. En ces matières, la surprise n’est guère souhaitable.
Le fait que la moitié de la population mondiale ne dispose d’aucune protection sociale banalisée est une catastrophe et porte une ombre immense sur les meilleurs succès des autres domaines, scientifiques, technologiques, économiques, etc.
Notre Sécurité Sociale a été si difficile à construire. (Hatzfeld H., 1989)

L’enracinement…

Un besoin profond

A la demande du général de Gaulle, la philosophe Simone Weil (1909-1943), engagée dans la France libre, écrit L’enracinement, prélude à une déclaration des devoirs envers l’être humain. Inachevé, il sera publié post-mortem par Albert Camus en 1949 : « L’enracinement est peut-être le besoin le plus important et le plus méconnu de l’âme humaine. C’est un des plus difficiles à définir. Un être humain a une racine par sa participation réelle, active et naturelle à l’existence d’une collectivité qui conserve vivants certains trésors du passé et certains pressentiments d’avenir. » (Weil S., 1949)


Historienne de la mutualité, de la protection sociale et de la coopération, Patricia Toucas-Truyen commence ainsi son livre L’identité Mutualiste, publié en 2001 : « La mutualité est le premier mouvement social français. » (Toucas-Truyen P., 2001)
Solution naturelle pour faire face aux épreuves de l’existence, elle rappelle la présence de caisses fraternelles au sein de communautés d’artisans de l’Antiquité, tel le fonds de secours en prévision des accidents institué par les tailleurs de pierre de Basse-Egypte, dès 1400 avant Jésus-Christ. Dans l’Europe du Haut Moyen Age, du 7ème au 10ème siècles, confrérie, corporation et compagnonnage fondent des formes mutualistes d’organisation sociale.


Pour sa part, les travaux d’Alexandra David-Néel (1868-1969), orientaliste, cantatrice et exploratrice, manifestent que l’idée de solidarité est présente en Chine, avec le philosophe Meh-ti, il y a vingt-cinq siècles. (David A., 1906)

Des solidarités anciennes

On apprend de mieux en mieux combien les solidarités concrètes sont anciennes, sur tous les continents.
Ainsi, sous la direction de Michel Dreyfus et Bernard Gibaud, la Mutualité française publie, en 1995, Mutualités de tous les pays, « Un passé riche d’avenir » (Dreyfus M., Gibaud B., 1995).
Jean Bennet, sous préface de Pierre Laroque (1907-1997), alors président de la section sociale du Conseil d’Etat et du Comité d’histoire de la Sécurité sociale, avait publié, en 1975, La mutualité française à travers sept siècles d’histoire (Bennet J., 1975). Plus complète et documentée encore, sera l’« Histoire de la Mutualité », par Michel Dreyfus (Dreyfus M., 1990).
Il faut saluer les historiens qui retracent les siècles de vie de la mutualité, bien avant la Révolution française qui interdit tout intermédiaire entre l’individu citoyen et l’Etat, en 1791. Le mouvement mutualiste travaillera alors en dehors de tout cadre légal jusqu’en 1852 et surtout 1898.
Pour rapprocher et unir, les organisations mutualistes se tiennent à distance des discours révolutionnaires et commerciaux.


Toujours est-il que les dynamiques traduites par les expressions de force vive, prévoyance, acte de raison et acte de conscience sont toujours à l’œuvre, sous régentement étatique, exception française. Sans multiplier des comparaisons toujours complexes, on sait qu’en Allemagne, en Belgique et aux Pays-Bas, la mutualité a délégation pour gérer les assurances sociales obligatoires.


Grâce à l’historien néerlandais Rutger Bregman, on connaît de mieux en mieux cette histoire optimiste. Dans Humanité. Une histoire optimiste, il met à mal la fausse croyance que l’homme serait intrinsèquement fainéant et qu’il faudrait donc le contraindre. Telle est l’idéologie du pressurage. (Bregman R., 2020)


Charlotte Siney-Lange, enseignante-chercheuse en Histoire dans plusieurs universités, met en relief les grands combats de la Mutuelle générale de l’Education nationale et les progrès sociaux mutualistes. Elle a beaucoup travaillé sur les réalisations sanitaires et sociales, les établissements de soins. (Siney-Lange C., 2015, 2018)
A titre d’exemple, citons « La prise en compte des besoins des femmes dans le cadre mutualiste » : « Du congé maternité à l’avortement, les mutuelles ont participé, durant près de cent ans, à la promotion de nouveaux droits pour les femmes. Bien que minoritaire dans les rangs mutualistes, l’audace de ces initiatives, contrevenant dans certains cas ouvertement à la loi, n’aura pas été vaine. Qu’il s’agisse de la contraception ou du droit à l’avortement, les groupements mutualistes ont incontestablement pris leur part aux luttes pour l’amélioration de la condition féminine, sortant ainsi des champs strictement social ou sanitaire pour s’investir dans des combats sociétaux : à la suite de la loi Neuwirth du 28 décembre 1967 sur la contraception, la loi Veil légalisant l’avortement est adoptée le 15 janvier 1975 au terme de débats très violents. Au-delà de ces polémiques, ces mesures apparaissent comme le couronnement de l’action d’acteurs résolument engagés dans la lutte pour la libération sexuelle et pour le droit à une maternité librement consentie. » (Siney-Lange C., 2020)


Robert Holcman, directeur d’hôpital et professeur des universités, propose une synthèse sur l’économie sociale et solidaire. Patricia Toucas-Truyen et Olivier Boned y assument le chapitre Mutualité et entreprises mutualistes. (Holcman R., 2015)


A son tour, Timothée Duverger vient de publier L’économie sociale et solidaire. Citons la fin de son livre : « Si depuis sa « réinvention » dans les années 1970, l’ESS a été mise en tension entre un risque de banalisation et un renforcement de son identité, il lui appartient désormais d’affirmer son projet dans une dialectique local/global. C’est à cette condition qu’elle sera porteuse d’une conversion écologique et sociale de l’économie, de cadres d’action collective dans les territoires, d’une coconstruction de l’action publique et d’un nouvel internationalisme solidaire face aux impasses de la globalisation financière. » (Duverger T., 2023)

Quelques éléments d’autocritique et de critique…

Une offre mutualiste singulière ?

Nous procéderons avec soin. En effet, à l’instar des démocrates, les mutualistes doivent se garder à la fois de l’autodestruction et de l’entre-soi.
Très attachés au concret, nous sommes conscients de la pression des contraintes prudentielles et des réformes législatives et réglementaires, européennes et nationales, de la concurrence interne au monde mutualiste et externe qui font de la survie la priorité. Il en va ainsi de la mise en œuvre de la protection sociale complémentaire (PSC) des fonctionnaires, du passage de l’adhésion individuelle facultative au contrat collectif obligatoire.

Les solidarités sont elles-mêmes confrontées aux mobilités et aux nouveaux besoins de tous ordres. Derrière les mots de salariat, chômage, pouvoir d’achat, vulnérabilités, pathologies chroniques, vieillissement, crise climatique et environnemental, par exemple, combien de situations humaines et familiales sont-elles hypertendues ? (Castel R., 1995, 2003)

Sur le terrain de l’assurance, nos offres sont-elles singulières au point de demeurer attractives, par rapport à celles du marché et de l’Etat ? La question nous taraude d’autant plus que notre histoire et notre vocation nous différencient du consumérisme et du respect des réglementations. La stratégie ne consiste-t-elle pas d’abord à choisir le terrain de la bataille ?
Dans le secteur de la complémentaire santé, la banalisation pourrait s’incarner par le manque de différenciation entre une offre proposée par une mutuelle et par un concurrent assureur ou groupe de prévoyance. Quand un futur adhérent a le choix entre ces acteurs, l’image des mutuelles joue-t-elle un rôle ? Quand un adhérent hésite à souscrire à une offre concurrente, le fait d’adhérer à une mutuelle améliore-t-il son affiliation ? (Mauroy H., 1996)

D’après le Baromètre Confiance et Bien-être conduit chaque année pour la MGEN et Solidaris, en 2022 la confiance attribuée aux mutuelles reste supérieure à celle des grandes entreprises ou des assurances. Cet écart tend néanmoins à se réduire, et l’année 2022 est marquée par une hausse de la confiance dans les entreprises et une baisse de la confiance dans les mutuelles. Dans le même temps, la part de voix médiatique dédiée aux valeurs augmente, quel que soit l’émetteur. Comment émerger sur le discours de valeurs en tant qu’annonceur mutualiste ? Comment renforcer la confiance que les citoyens nous portent ? (OpinionWay, 2022)

Force nous est de constater que notre gouvernance démocratique est souvent plus lente que les pratiques hiérarchiques descendantes et que la levée de capitaux n’est guère notre spécialité.

Notre cœur de métier mutualiste est orienté sur les personnes exclues des dispositifs mis en place par l’Etat et le marché et, plus ambitieux encore, sur la prévention de ces situations nécessitant des services faits main, appelant à la solidarité de la majorité des adhérents et aux engagements militants d’entraide.
Aujourd’hui, fondations, fonds d’action sociale, services d’assistance, critères environnementaux, sociaux et de bonne gouvernance (ESG) extra financiers relevant de la responsabilité sociétale de l’entreprise (RSE), bénévolat d’entreprise, manifestent des évolutions intelligentes et utiles qui ne sont l’exclusivité de personne, heureusement.

S’ouvrir à la diversité des disciplines et des expériences

Mais nous nous interrogeons sur les déséquilibres profonds, depuis des années, entre le poids de la multiplication des justifications que, mutualistes, nous devons produire et le temps, l’énergie et les budgets résiduels – compte tenu de l’appétit de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) pour la sur-couverture – pouvant encore être consacrés à nos enjeux mutualistes les plus profonds et aux véritables innovations.
On a pu malheureusement souvent constater une forme de tension entre les nécessités de la cohésion au sein de groupes mutualistes de plus en plus grands et de la vie fédérale, d’une part, et l’accueil – au-delà des mots – d’innovateurs provenant plutôt du monde associatif. 

Quel accueil réel ménageons-nous aux propositions et projets de jeunes entrepreneurs très dynamiques ou d’universitaires, académiciens parfois, adhérents de longue date ?
Sommes-nous organisés pour ces ouvertures et aussi pour la prise en compte des réflexions et des actions de celles et ceux qui nous sont proches et avec lesquels nous pouvons même nourrir des partenariats ? 

On peut penser au CIRIEC France et international, à la RECMA, à Galilée.sp (2021), avec d’autres. Sous la présidence d’Alain Arnaud, les études du CIRIEC France sont accessibles en ligne : https://www.ciriec-france.org/ciriec/cms/10/accueil.dhtml 

Il en va de même pour le CIRIEC international : https://www.ciriec.uliege.be/ 
La RECMA y procède aussi : http://www.recma.org/

Et Galilée.sp, sous la présidence de Catherine Gras et Gilbert Deleuil, diffuse ses réflexions et propositions sur « Quelle fonction publique au XXIème siècle ? » : https://galileesp.org/ 

Tous ces travaux méritent certainement une lecture qui se caractériserait ainsi : collective, pluridisciplinaire, orientée sur l’application à nos projets de terrain, dans nos diverses organisations de l’économie sociale et solidaire. (R²)
On peut regretter l’absence d’une véritable flottille solidaire du paquebot. La petite taille incite à l’innovation et facilite les échanges internes. La grande taille peut améliorer la viabilité et la robustesse des plus petits.

Il serait plus que navrant d’attendre des lustres pour apprendre que d’autres ont construit des propositions utiles.
En sciences dures, on se souviendra de l’histoire suivante. Aristote affirma que plus un corps était lourd, plus il tombait vite. 19 siècles après lui, Galilée (1564-1642) formule la loi des corps tombants : les corps ne tombent pas à des vitesses proportionnelles à leur poids et leur chute s’accélère.
Avant lui, semble-t-il, personne ne s’était donné la peine de vérifier si des corps de poids différents tombaient vraiment selon des vitesses différentes. Si on laisse tomber deux corps de deux poids différents qui ne présentent pas grande résistance à l’air, ils tomberont à la même vitesse.
19 siècles d’erreur et d’attente !
En sciences humaines et sociales contemporaines, nous épargnons-nous de tels tunnels cognitifs ?

Les pratiques internes au crible

Parallèlement à la perception des valeurs mutualistes auprès des adhérents et du grand public, nous pouvons nous interroger sur les pratiques internes, d’organisation, de gouvernance, de management : la banalisation touche-t-elle également ces aspects ? Les pratiques des assureurs diffèrent-elles de celles des mutuelles ? Une étude approfondie des pratiques internes dans ces deux types d’organisation serait nécessaire pour répondre à cette question. Les aspects d’organisation internes sont par nature difficilement quantifiables donc comparables. Néanmoins, l’analyse de baromètres de qualité de vie au travail, des indices dans le cadre de la responsabilité sociale et environnementale pourraient permettre de comparer les pratiques d’une structure à l’autre. Cette démarche factuelle et relativement objective pourrait apporter des éléments de preuve aux mutuelles et les conforter dans le fait que leurs pratiques internes sont bien en accord avec les valeurs véhiculées à l’externe.
L’écart entre valeurs et pratiques étant légitimement scruté par les médias et le grand public, le niveau d’exigence sera plus fort pour les organisations qui communiquent davantage sur leurs valeurs.
Recourir aux travaux de Philippe Eynaud semble devoir s’imposer. Avec Genauto Carvalho de Franca Filho et à l’appui de nombreuses expériences citoyennes, il s’attache à mettre en évidence que les transformations indispensables au meilleur usage des ressources naturelles et à la solidarité entre les personnes ne se décrètent pas mais s’organisent. La gestion solidaire, celle des communs et celle encore du bien-vivre nécessitent d’autres visions, leviers, investissements dans la pensée et dans l’action, instruments de mesure que ceux qui ont présidé au productivisme et au consumérisme. (Eynaud P., Carvalho G., 2019).

Naturellement, chaque mutuelle a ses particularités fondatrices. Ainsi, la MGEN d’aujourd’hui propose toujours des emplois en détachement, sur tout le territoire national.
Majoritairement issus du corps des professeurs du premier degré et aussi du second degré, celles et ceux qui ont fait ce choix incarnent la légitimité d’une mutuelle particulièrement ancrée sur les ministères de l’Education nationale et de la Jeunesse, des Sports et des Jeux olympiques et paralympiques, de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, de la Culture, de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires.
Cet ancrage est renforcé par l’élection mutualiste.

Compte tenu des complexités contemporaines inhérentes à l’éducation et à l’instruction et de l’immensité de leurs enjeux, il serait absurde de renier un tel héritage, un tel savoir-être et savoir-faire. Vice-président Mouvements, Vie institutionnelle et mutualiste de la MGEN, président de l’Institut Montparnasse et de l’Economie Sociale Partenaire de l’Ecole de la République (L’ESPER), Bertrand Souquet rappelle souvent que : « Coopérer et faire société n’est pas inné ». Il cite Nicolas de Condorcet (1743-1794) : « Il n’y a pas de démocratie du pouvoir sans démocratie du savoir. » (Souquet B., 2021, 2022)

Naturellement aussi, la MGEN a recruté, de longue date, des salariés dont le parcours était différent. Les échanges quotidiens entre les uns et les autres permettent de mieux assumer les nombreuses responsabilités d’une telle organisation mutualiste.

C’est en approfondissant les perceptions, expériences et anticipations des uns et des autres que l’on dissipe les malentendus, les dissonances, les divergences. Chacun sait d’où il vient, améliore de manière continue ses propres pratiques professionnelles. Chacun se fait une certaine idée du vocabulaire technique de l’autre. Rien ne prouve que cette idée soit juste. Sans de véritables échanges, on ne saura jamais ce que l’autre met comme contenu dans les mots qu’il emploie. Dans la malheureuse banalité de ces situations, comment prétendre analyser, synthétiser, décider en toute connaissance de cause et de manière consensuelle ?
Ainsi, celles et ceux qui viennent travailler au sein des organisations de l’économie sociale et solidaire et sont issus d’autres milieux socioprofessionnels doivent-ils bénéficier d’une formation, d’une forme d’initiation à l’histoire, aux fondamentaux humains, culturels et sociaux et au langage.
En retour, les mutualistes devraient pouvoir bénéficier de leurs témoignages et réactions.

En amont de la banalisation, le questionnement sur la porosité entre le secteur mutualiste et le secteur lucratif de l’assurance n’est pas nouveau.
En témoignent deux études historiques de Bernard Gibaud et de Patricia Toucas-Truyen parues en 1998 : Mutualité-assurances. Les enjeux (1850-1914) (Gibaud B., 1998) et Histoire de la Mutualité et des assurances. L’actualité d’un choix (Toucas-Truyen P., 1998).
Mutualistes, une certaine vigilance aux modes de management et à la prolifération d’éléments de langage qui en accompagnent la promotion nous oblige. (Toucas-Truyen P., 2008)

Le Livre III du Code de la Mutualité qui s’applique aux mutuelles et aux unions qui exercent une activité de prévention et de promotion de la santé, d’action sociale et gèrent des établissements à caractère sanitaire, social ou médico-social, des Services de Soins et d’Accompagnement Mutualistes (SSAM) est un grand exemple de la nécessité des bonnes pratiques que nous venons d’évoquer.
On peut exprimer une particulière gratitude mutualiste à Jean Sammut et Christian Oyarbide, fondateurs, en 2017, de la Mutuelle Les Solidaires, une structure du livre III du Code de la Mutualité (https://mutuelle-les-solidaires.fr/). Leur expérience est considérable. (Oyarbide C., 2023)
Pour sa part, Alain Coheur, membre du Comité économique et social européen, directeur des affaires européennes et internationales de la mutuelle socialiste belge Solidaris, co-président d’ESS Forum International souligne que : « Le rôle des mutuelles est de garder l’humain au cœur du système de santé. » (Coheur A., 2017)
Pour mémoire, avec 2 927 SSAM, la Mutualité Française est le premier réseau sanitaire et social à but non lucratif, en France.

Pour mémoire aussi, en France, l’accès aux quatre professions de santé et aux seize professions paramédicales passe par un diplôme d’Etat. Les professions sociales bénéficient de onze diplômes d’Etat.
Etablissements publics de santé, établissements de santé privés d’intérêt collectif, tels l’Institut Mutualiste Montsouris ou l’Institut MGEN de La Verrière, cliniques privées ont à nourrir, de manière permanente, les échanges les plus intelligents et profonds avec les équipes médicales et soignantes. Des non-dits et pratiques bureaucratiques et de management toxique éventuels y sont plus graves et dangereux que dans d’autres domaines. En effet, les patients, toujours vulnérables, sont la raison d’être de nos établissements de soins. Il en va bien sûr de même en santé mentale, en soins de suite et de réadaptation et dans l’accompagnement des personnes confrontées aux situations de handicap et de dépendance.
Nos pensées vont à celles et ceux qui ont été le plus durement confrontés à la pandémie.

Si l’engagement des mutuelles dans la prévention en santé paraît à la fois cohérent, nécessaire et utile, on peut se demander si, aujourd’hui, elles consentiraient le même effort sur l’offre de soins, les établissements sanitaires et médico-sociaux, compte tenu de l’obsession des pouvoirs publics à l’encontre du nombre de lits.
Ils semblent ignorer qu’il n’y a pas d’économies d’échelle dans les soins hospitaliers complexes, la solidarité, l’engagement, la démocratie et encore la proximité.
En outre, l’expression même de complémentaire santé est, depuis trop longtemps, tirée par les tenants de la Sécurité sociale étatisée, dans le sens de supplétive. En deux pages, Timothée Duverger fait litière des fausses évidences avancées à l’avantage d’une « Grande Sécu » et de la liquidation des complémentaires santé, véritable régression sociale. (Duverger T., 2022)

A nous, peut-être, de mieux faire apparaître qui nous aidons vraiment et comment (R3). La situation économique et financière réelle des ménages français, sensiblement dégradée par l’inflation, devrait nous y inciter.
Est-ce affaire de contrat, de calcul des résultats, de process et de marketing des services ? On peut en douter. Etre utile, par la mise en mouvement de nos valeurs, n’est-ce pas notre raison d’être ?
Un peu de retour sur les mots et les concepts permet de constater à quel point la réglementation a accrédité l’idée de médecins incompétents et gaspilleurs des deniers publics, d’équipes soignantes inorganisées, etc.
Avons-nous été réellement à leurs côtés ?
Même la représentation tellement légitime des patients a souvent été retournée contre les professionnels de santé.
Post-Covid, un tel message est reçu par eux : ils s’en vont. Place aux robots soignants !

En assurance, il en va de même. On cherchera en vain la défense des assurés dans Solvabilité 2. La manœuvre est devenue banale : rendre le corpus réglementaire incompréhensible aux citoyens et, au passage, fabriquer et rémunérer des jobs pour nous expliquer que le soleil se lève à l’Est et se couche à l’Ouest et que la disruption doit gagner aussi la solidarité, généralement qualifiée le loco-locale, juste assez bonne pour les ménagères qui cousaient des masques, au printemps 2020.

Dans ces conditions, comment les dirigeants mutualistes peuvent-ils résister aux menées régulationnistes ? Dès la couche sous-jacente de concepts primaires, ils sont directement orientés vers les strapontins. Les habituels excès des extrêmes, n’arrangent rien. Ni les incompétences réelles sous le verbiage chatoyant.
Ainsi, par exemple, vendre une tarification hospitalière mixte à l’activité et à la qualité fait litière de l’expérience des praticiens en la matière, depuis des lustres : mélanger ainsi les genres et donc asseoir une partie des rémunérations sur des indicateurs qualité fait qu’ils sont rapidement pollués.
Pour mémoire, en son temps, les alertes documentées sur la tarification à l’activité (Frutiger, Fessler, 1991, 2003) n’ont pas été prises en compte par les plus hauts dirigeants mutualistes, sans doute pour les banales raisons suivantes : le poids de la doxa ministérielle et de certains rapports de force, l’omnipotence de l’abord de questions fort complexes dans des réunions où nombre de participants n’ont ni l’expérience ni le savoir requis, etc. On a juste oublié la liberté de penser et le b.a.-ba du savoir-faire scientifique dont le débat contradictoire et la pratique des spécialistes de terrain – en l’espèce, les médecins et techniciens des départements d’information médicale et de rares praticiens de la comptabilité publique et privée et du calcul des coûts.

Pour un cadre conceptuel mutualiste renforcé

Avant de se laisser imposer des mesures de sa propre utilité sociale, la mutualité aurait été bien inspirée d’écouter les rares spécialistes qui auraient aisément souligné qu’il n’existe aucun consensus scientifique sur une théorie de la mesure. Les rares spécialistes en question sont, en France, adhérents de la MGEN, depuis toujours !
Etait-ce trop demander que de solliciter nos adhérents qui se trouvent être académiciens de toutes les académies concernées : Sciences, Sciences Morales et Politiques et aussi Médecine, Chirurgie, Pharmacie, Technologies et autres sociétés savantes dont celle de Mathématiques ? (R4)

Comment échapper à cette fatalité de devoir constamment courir derrière les chimères imposées par quelques idéologues, souvent au sommet de grands corps de l’Etat ?

En démocratie, le corpus réglementaire ne devrait-il pas être soumis à une critique fondée sur des valeurs qu’il ignore délibérément, souvent à l’insu des parlementaires eux-mêmes ?

De plus, la construction méthodique d’un cadre conceptuel mutualiste de maîtrise et de transparence des risques et des décisions économiques n’est-elle pas à entreprendre ? (R5)

Quelques mots, alors.

La solidarité mutualiste repose sur : « Chacun cotise selon ses moyens et reçoit selon ses besoins ». Ainsi, il était cohérent de mutualiser les tarifs entre générations, et d’exprimer la cotisation en pourcentage de la rémunération. 

La concurrence, le découplage entre les contrats des actifs et des retraités, ont eu raison de cette forme de mutualisation. 

La mutualisation assurantielle des risques et la démutualisation des tarifs sont-elles signes de solidarité et de solidarité mutualiste ?

Réduire la mutualisation au jeu de la loi des grands nombres et à la réduction du risque par sélection à la souscription ou limitation contractuelle dans les prises en charge est-ce de la solidarité ? La personne est réduite à n’être qu’un élément de calcul. Si sa situation semble rompre l’homogénéité, on agira jusqu’à l’exclusion. 

Si nous essayons de pratiquer un peu de lobbying, de beaux esprits trouvent matière à critique, au nom de l’intérêt général dont ils se prétendent, naturellement, la pure et unique incarnation. Le soupçon systémique pèse alors sur les motivations à agir de tous les membres des corps intermédiaires

Nous mentionnerons, sans pouvoir développer ici, que le mutualisme est aussi un type courant d’interactions écologiques, bien différentes de la compétition et du parasitisme. 

Nous avons bien sûr à l’esprit les plantes à fleurs pollinisées par les animaux. Sait-on assez que les interactions mutualistes sont vitales pour le fonctionnement de l’écosystème terrestre ? De l’ordre de 80% des espèces de plantes terrestres dépendent des relations mycorhiziennes de symbiose mutualiste à bénéfices réciproques avec les champignons pour leur fournir des composés inorganiques et des oligo-éléments. Les mycorhizes forment un réseau de filaments reliés aux racines des végétaux qui puisent dans le sol les nutriments qui, autrement, seraient inaccessibles au système racinaire.  

Cet axe de lecture n’est pas le seul à être fondamental, bien sûr. 

Les axes anthropologique, philosophique, micro et macro-économiques, psychosociologique, historico géographique nous semblent pleinement sollicités, de même que l’écologie scientifique. Et aussi celui des sciences cognitives qui renouvellent notre compréhension de la différenciation, de l’identité, du sens, de la représentation, du réseau, chacun de ces termes devant aussi être décliné au pluriel. On tentera de regarder en face certains présupposés du management et des interactions humaines. 

Toute autorité n’est-elle pas un service ?

Poursuivre nécessite, à notre sens, de recourir à l’expérience et à certains écrits sur l’économie sociale et solidaire, particulièrement ceux de nos collègues du conseil scientifique. Nous ne pouvons prétendre à l’exhaustivité. 

Des auteurs à relier…

Nous proposons quelques citations qui, à notre sens, sont des points d’ancrage dans la voie de nos vies, de nos responsabilités et de nos engagements. Nous ne doutons pas de leurs résonances mutualistes.

① Pour rude qu’elle apparaisse, la conclusion du récent livre du producteur d’idées François Belley, Le nouveau spectacle politique, est à méditer, réellement (R6) : « Désormais, pour l’homme connecté comme pour le politique, il est temps de quitter le monde de l’apparence et de la représentation. Revenir dans le réel, reprendre le goût du palpable et reconquérir la vie en vrai. Casser l’écran, fuir l’image et refuser la mise en scène. Pulvériser la com’ et expulser le spectacle du champ politique. Se taire et faire. Enfin. » (Belley F., 2022)
Sans solliciter sa pensée, elle nous semble favorable au mutualisme de l’agir.

De fait, si les qualités professionnelles des dix personnes qui ont plus de 100 millions d’abonnés sur le réseau social Instagram, des footballeurs pour la moitié et des chanteuses pour l’autre, sont certainement exceptionnelles, qui connaît celles et ceux qui contribuent vraiment aux progrès de l’Humanité, par des découvertes et inventions et aussi, au jour le jour, paysans, artisans, techniciens, entrepreneurs, médecins et soignants, enseignants ?
Le monde mutualiste ne serait-il pas bien inspiré d’étudier de manière la plus scientifique possible la médiasphère, au titre de la médiologie que l’on doit à Régis Debray ? (R7)

Toujours est-il que le coup d’éclat médiatique est devenu une nouvelle façon de faire de la politique. Instrumentalisation outrancière des symboles, des peurs et des émotions, confection de l’indignation, exhibitions surmultipliées des affaires, sentences de celles et ceux qui prennent à la fois soin de s’excepter du sort commun et d’exiger des efforts de la France, polluent nos vies. 

Qu’il s’agisse de transition écologique ou de lutte contre les inégalités, l’abstraction – La France – a toujours des applications individuelles.

② Sous forme de Manifeste écolo-conquérant, et dans le cadre du Cerclé René Dubos et de Valeurs Vertes, Jean-Paul Escande, professeur de médecine et penseur, souligne que : « Tout humain est invinciblement poussé à symboliser tout ce qui lui arrive, puis à réagir aux symboles comme s’ils étaient des agressions ou invités extérieurs. Le corps et l’esprit réagissent non seulement aux stimuli extérieurs eux-mêmes mais, aussi, à tous les symboles associés aux souvenirs du passé, aux expériences du présent, aux anticipations du futur.
La culture fait autant partie de l’environnement total que le rayonnement solaire, la température, les précipitations ou l’altitude. » (Escande J-P., 2017)

Face au bruit permanent à l’omniprésence du commentaire, au verbiage et à la réunionite comme substituts à l’action, à la gouvernance par les textes, les nombres et les sondages et, bien entendu, aux conflits et violences intrinsèques au wokisme et à la culture de l’annulation, de l’effacement, de l’occultation volontaire des leçons de l’Histoire jusqu’à sa réécriture, la recherche de bonnes limites, réellement débattues lors de leur élaboration, semble relever de l’urgence vitale.

Sur ce terrain, recommander l’étude des propositions d’Alain Ricaud dans « La corruption du meilleur a engendré le pire. A la recherche de bonnes limites » (Ricaud A., 2021) est bien le moins que l’on puisse suggérer. (R8)

Mutualistes, devons-nous accepter encore longtemps la destruction de l’humanisme et l’émergence de thématiques qui se confondent avec des revendications catégorielles, la lutte des places, le bal des egos, et le piège permanent de la prétention à construire un homme nouveau et à changer le monde ?

La banalisation du mal et sa mécanique infernale est toujours la même : Classifier toutes et tous et multiplier les segmentations et codes, ne pas écouter vraiment et encore moins prendre en compte, s’étonner que les premières et secondes lignes se signalent à la noble attention des « décideurs » (Bourabaa H. dir., 2022), polariser, c’est-à-dire concentrer en un point des forces et des influences, désigner l’adversaire, rapidement l’ennemi, en usant des métaphores guerrières – peut-on s’étonner que l’abus du terme « combat » fassent émerger des combattants ? -, etc.
Alors, Frustrations, animosités, amertumes de celles et ceux qui sont bloqués dans leur couloir de nage peuvent nourrir les haines, attisés par les souffleurs de braises.

Ajoutons ceci. François Jacob, Prix Nobel de médecine avec André Lwoff et Jérôme Monod, pour leurs découvertes concernant le contrôle génétique de la synthèse des enzymes et des virus, distinguait la science de jour et la science de nuit : les découvertes sont généralement précédées d’une masse de travaux obscurs. On ne peut que recommander sa communication sur ce thème (Jacob F., 1987). Il y a aussi un mutualisme de jour et un mutualisme de nuit.

Pendant que l’on consacre une énergie et des ressources aussi considérables que non mesurées à surmultiplier les contrôles et contraintes – pour mémoire, les attestations de déplacement dérogatoire pendant la pandémie -, les véritables combats à l’encontre de la corruption, des fraudes sociales et fiscales, des gaspillages insensés de deniers publics, des réseaux de grande criminalité, des trafics en tous genres et particulièrement d’êtres humains, sont-ils menés à la hauteur de leur puissance de destruction ?

Les rapports internationaux ne manquent pas. 

Quelles disproportions entre l’utilité sociale et les services rendus par les professionnels des situations d’urgence, traumatismes et pathologies d’urgence, incendie et inondation, de police et de gendarmerie, de la sécurité civile et du fonctionnement des réseaux vitaux et leur reconnaissance réelle, rémunérations comprises ! 

③ Il y a plus de quarante ans, le philosophe et épistémologue Karl Popper précisait à l’égard de ceux qui s’intéressent aux idées, les intellectuels : « L’extermination d’une masse au nom d’une idée, d’une doctrine, d’une théorie – c’est là notre œuvre, notre invention : une invention d’intellectuels. Si nous cessions de dresser les hommes les uns contre les autres – souvent avec les meilleures intentions -, même si nous nous en tenions là, ce serait beaucoup. » (Popper K., 1992)
Tribu, clan, nationalité, race, classe, sexe sont utilisés à outrance et propulsés par la certitude d’avoir raison, alors que nous sommes tous susceptibles de nous tromper, seul et en groupe. En témoigne l’histoire de tous les modèles paradisiaques successifs d’hommes nouveaux imposés, jusqu’aux plus contemporaines déconstructions de tout et des autres.
Le recensement des guerres, celui des multiples sottises prétentieuses, passions aveuglantes et décisions absurdes dans l’Histoire est une évidente épreuve pour un esprit un tant soit peu humaniste mais un passage obligé vers une certaine lucidité franche à l’égard de la tromperie, la falsification délibérée, le mensonge pur et simple, toujours considérés comme justifiés dans les affaires politiques.

④ Alors, nous saluons l’initiative des Editions Intervalles qui viennent de créer la collection « Le point sur les idées ». On étudiera utilement trois titres : « Petit manuel de postmodernisme illustré » (Trigano S., 2022) ; « Cancel ! De la culture de la censure à l’effacement de la culture (Heckmann H., 2022) ; « Qui est l’extrémiste ? » (Taguieff P-A., 2022). (R9)
Les déconstructions en cours se font, comme toujours, à l’encontre des majorités, considérées comme inutiles, voire nuisibles, en dehors des prélèvements dont elles sont l’assise, bien sûr. Quant à citer le passé à comparaître, quelle manipulation régressive !

⑤ Mutualistes, nous serions bien inspirés de partager aussi l’étude des propositions du sociologue Gérard Mermet, l’auteur de Francoscopie et de ses quinze éditions depuis 1985, dans Le contrat vital. Pour un monde moral et durable (Mermet G., 2022). (R10)

⑥ Il en ira de même de l’ouvrage collectif Relions-nous ! (Collectif, 2021) et aussi de celui de la journaliste Bénédicte Manier, Un million de révolutions tranquilles (Manier B., 2016), qui décrit remarquablement la dimension mondiale des initiatives sociales, économiques et écologiques portées par la société civile.
La postface de Patrick Viveret, haut-fonctionnaire et philosophe, termine ainsi le livre : « La condition humaine est aussi un chemin qui a besoin d’entraide, de coopération (car celle-ci démultiplie la capacité de création), et qui doit être joyeux. Les créatifs culturels sont ce que j’appelle des coopérateurs ludiques. Ils sont des forces de transformation. »
Et Henry Mintzberg fait chorus dans son appel à Rééquilibrer la société (Mintzberg H., 2017). Avec l’œuvre considérable d’Edgar Morin qui disait aux membres de l’Institut Montparnasse, en 2022 : « L’avenir souhaitable c’est celui de l’économie sociale et solidaire, c’est celui des mutuelles, c’est celui de la coopération, c’est celui de la solidarité. »
Ceux qu’il inspire s’attaquent résolument aux grandes complexités des organisations contemporaines. On pense ici spécialement à Stéphane Bernard, mathématicien, ingénieur et spécialiste de l’Organisation du Travail (Bernard S., 2022) et à la philosophe Eugénie Vegleris Frère qui tisse le dialogue entre Hannah Arendt (1906-1975) et Edgar Morin (Vegleris Frère E., 2021).

Il y a toujours des penseurs et des pionniers du faire qui voient mieux et plus tôt que nous.
Alors, nous devons aussi étudier, avec l’organisation de partage idoine, des œuvres telles que : « 20 penseurs pour 2020 », « La destruction du réel » (Vergely B., 2018), le « Manifeste pour une économie pluraliste » (2015), » Le développement durable, l’intelligence du XXIè siècle » (Bidou D., 2011). (R11)

⑦ Le sociologue et philosophe Hartmut Rosa peut conclure ainsi 20 penseurs pour 2020 : « Le programme moderne d’extension de l’accès au monde, qui a transformé ce dernier en un amoncellement de points d’agressions, produit donc de deux manières concomitantes la peur du mutisme du monde et de la perte du monde : là où « tout est disponible », le monde n’a plus rien à nous dire ; là où il est devenu indisponible d’une nouvelle manière, nous ne pouvons plus l’entendre parce qu’il n’est plus atteignable. » (Rosa H., 2020)
Il peut sembler indispensable qu’un jour ou l’autre – et le plus tôt possible – nos organisations mutualistes prennent position, démocratiquement, sur le glissement d’une société de liberté, aussi imparfaite soit-elle, à une société d’autorisation, assise sur le triptyque pandémie, violences et numérisation de nos vies. (R12)
Il pourrait en aller de même sur l’infobésité, la violence des abstractions, le zapping, l’anesthésie par saturation, l’absence incroyable de l’application des démarches et méthodes de l’infoéthique, en dépit du soutien de l’UNESCO, dès la fin du siècle dernier. (R13)

Quant aux vulnérabilités, il semble plus que temps de prendre en compte les observations et recommandations de nouvelles approches scientifiques. Faut-il rappeler que la prospective a été inventée par le français Gaston Berger (1896-1960) ?
Trois livres majeurs peuvent nous guider, assurément : Sur le tissage des connaissances de la physicienne Mioara Mugur-Schächter (2006) ; La ponérologie politique d’Andrew M. Lobaczewski (1921-2008) (2006) ; Cindyniques. Concepts et mode d’emploi de Georges-Yves Kervern (1935-2008) et Philippe Boulenger (2007). (R14)
Ainsi, certaines conséquences épistémologiques de la mécanique quantique, l’étude de la genèse du mal (poneros, en grec) en politique et des causes des périodes d’injustices sociales et la science du danger (kindunos, en grec) permettent de mesurer la part contemporaine d’obscurantisme et de nous assurer – au sens montagnard du terme – sur les voies du quadriptyque [Information-Connaissance-Expérience-Compréhension].
Quelques explications sont utiles.

Mioara Mugur-Schächter et Andrew M. Lobaczewski ont subi les deux totalitarismes successifs du national-socialisme et du communisme. Ils ont été contraints à l’exil, l’une de Roumanie pour la France, en 1962, et l’autre de Pologne aux Etats-Unis, en 1977. Georges-Yves Kervern avait cultivé au plus haut point une quadruple culture : ingénieur, industriel, assureur, professeur.

Sans prétendre à la synthèse des œuvres citées, soulignons que la première nous rappelle que : « Toutes nos actions découlent de notre pensée et celle-ci est frappée au sceau des structures logiques et probabilistes qui agissent dans nos esprits. Si elles y agissent sans être connues, leur action, comme les souvenirs refoulés hors du conscient, reste brute, non dominée … » Et aussi que : « Toute connaissance communicable est description, donc qualification. Il n’y a de science que de description. »
Dans ces conditions, l’examen les plus approfondi possible de nos buts descriptionnels et des modes de fabrication de nos représentations devrait s’imposer à nos raisons et à nos échanges, à l’instar de la navette, l’outil des tisserands.

La ponérologie met en évidence que toute société contient un malheureux pourcentage de personnes affectées de déviances psychologiques dues à des facteurs hérités ou acquis produisant des anomalies dans la perception, la pensée et le caractère.

Schizoïdes, psychopathes, particulièrement dans des états d’hystérisation sociale, de crise spirituelle, de matérialisme généralisé et lorsque les trois « ego » gouvernent, égoïsme, égotisme, égocentrisme, peuvent construire des pathocraties, maladies macrosociales qui peuvent affecter des nations entières, par contamination.
Les interprétations moralisatrices sont alors très distantes des nécessités de l’analyse rationnelle.
On peut s’inquiéter qu’aujourd’hui la ponérologie ne soit mentionnée que de l’ordre de 2 000 fois sur Google en français et de l’ordre de 200 000 en anglais.

Pour les cindyniques, si les occurrences sont de l’ordre de 10 000, en français comme en anglais, quelle contradiction avec l’omniprésence du discours statique sur le principe de précaution, évoqué 10 millions de fois sur Google, en français. A l’étude méthodique et concrète des situations dangereuses, on préfère visiblement la chape transparente d’un principe éthéré.

En revanche, la méthode de conceptualisation relativisée et sa conceptrice sont plus largement citées que la ponérologie et son concepteur, ce qui est encourageant pour la qualité et la pertinence de nos raisonnements et pensées.
C’est d’autant plus indispensable que les vulnérabilités et robustesses contemporaines ne peuvent plus être décrites et établies autrement que sous des formes réticulaires, celles des réseaux, et non plus à partir d’un état ancien de la science, celui des causalités linéaires.
En ce qui concerne les cindyniques, schématiquement, l’application des concepts, axiomes et instruments des sciences du danger nous entraîne à détecter les disjonctions, déficits et dissonances entre les cinq aspects de tout regard personnel et social que sont les buts et objectifs, les valeurs de chaque réseau d’acteurs, les données, les modèles, les normes et lois.

Cette façon de faire permet de repérer rapidement des configurations et situations dangereuses, incite à pratiquer régulièrement des expériences de pensée et des exercices ciblés et à éviter la fausse sécurité inhérente à l’inflation inhabitable des formalismes, des injonctions contradictoires et de la Com’ tous azimuts, toujours à l’encontre des métiers et de leurs professionnels.
En effet, nous savons pertinemment combien des buts mal définis ou transmis, des pratiques réelles contradictoires avec les buts affichés, des données lacunaires sur l’essentiel ou envahies de bruits et de biais cognitifs, des modèles masquant des sous-jacents idéologiques, des règles et des normes rendant illisibles les priorités réelles majeures ou imposant des effets de mode au détriment d’équilibres profonds et de toute négociation collective peuvent construire des catastrophes.
Nous savons aussi que la démesure sur l’un des aspects mène à de lourdes déconvenues, parfois massivement tragiques.
En contrepoint, il est particulièrement inspirant d’étudier la thèse d’André Martin : Le paradigme coopératif : une matrice philosophique dévoilant l’Homo cooperatus pour une oikonomia renouvelée. (Martin A., 2016)

Les cindyniques s’appliquent au passé et permettent de stabiliser l’essentiel de ce qu’il ne faut plus faire. Elles permettent aussi de visualiser ce à quoi il faut être attentif pour que nos projets d’avenir aient une valeur durable, sous haute fiabilité humaine et technique, dans le respect de la dignité des autres et de nos environnements. (Fessler, 2009)

⑧ En contrepoint, les visioconférences et UX-FORUMS® du Cercle Entreprises et Santé (https://www.cercle-es.com/) donnent la parole à de formidables innovatrices et innovateurs dans le domaine de la santé au travail, des données, du jumeau numérique, des exosquelettes. (R15)

Poursuivons avec des auteurs mutualistes.
S’agissant de professeurs au Conservatoire des Arts et Métiers, leurs analyses sont claires.

⑨ Ainsi, citons Jean-François Draperi : « Vers la banalisation ? (des entreprises d’économie sociale). Parmi les évolutions (…), on peut noter :
– Un alignement de leurs produits sur les produits des entreprises capitalistes ;
– Une logique de croissance du chiffre d’affaires ;
– Une politique de développement réalisée au détriment des investissements spécifiques, dans la formation par exemple, et en particulier la formation des administrateurs ;
– Un pouvoir croissant des dirigeants salariés ;
– Un recrutement sur la compétence et non sur la culture d’entreprise d’économie sociale ;
– Un élargissement des écarts de salaires ;
– La croissance externe débouchant sur des formes de holding avec des filiales sous statut de société anonyme parfois plus puissantes que la société coopérative mère. » (Draperi J-F., 2005)

On ne peut que partager les dernières lignes de la conclusion de ses Histoires d’économie sociale et solidaire (Draperi J-F., 2017), des aventures locales, un projet à vocation universelle : « S’appuyant sur l’éducation, valorisant la diversité naturelle et culturelle des territoires, recherchant la complémentarité plus que la concurrence et se fondant sur une organisation respectant partout les mêmes valeurs et principes, l’ESS constitue un projet économique non-violent ayant pour finalité l’épanouissement des personnes dans leur lieu de vie. Ce futur sera-t-il aussi ardemment voulu qu’il est désirable ? »

⑩ A l’occasion du 20ème anniversaire du Mouvement pour l’économie solidaire, Jean-Louis Laville, Josette Combes et Bruno Lasnier dressent un large et remarquable panorama, grâce à vingt-neuf contributions : crèches parentales, régies de quartier, associations de chômeurs, intervention sociale, associations culturelles et artistiques, commerce équitable, associations pour le maintien d’une agriculture paysanne, finance solidaire, transition énergétique, habitat participatif, économie circulaire, mobilités douces, monnaies locales, plateformes numériques solidaires – chapitre que l’on doit à Corinne Vercher-Chaptal et Philippe Eynaud. (Combes J., Lasnier B., Laville J-L., 2022) (Vercher Chaptal C., Eynaud P., 2022).
Jean-Louis Laville avait notamment publié L’économie solidaire. Une perspective internationale, en 2007. A distance des idées reçues.
Tandis qu’Eric Bidet, il y a vingt ans déjà, prévenait remarquablement sur le poids de nouvelles contraintes, le fonctionnement de l’isomorphisme institutionnel et les conséquences de l’éloignement des valeurs et principes fondateurs. (Bidet E., 2003)
Lire ou relire de tels travaux est indispensable pour mesurer échecs, insuffisances, inattentions et aussi réussites, avancées, prises de conscience actives. (R16)

⑪ Il faudrait relire aussi L’économie sociale, une alternative au capitalisme de Thierry Jeantet (Jeantet T., 2008) et L’économie sociale. La stratégie de l’exemple, d’Alain Leroux (Leroux A., 2013) qui se termine ainsi : « En se racontant, l’économie sociale ne devrait plus seulement chercher à parler d’elle-même, comme elle aime à le faire. A travers ses exemples, elle devrait avant tout chercher à parler de nous. » Ainsi, tout le champ de la société est-il concerné.
Sur ce registre, notre revue MGEN, Valeurs Mutualistes, s’attache à diffuser d’excellents articles. On aimerait peut-être un numéro de synthèse des messages majeurs et une chronique des évolutions sociétales que sa longue histoire exprime. 330 numéros : quelle histoire ! (R17)

Si les banquets mutualistes d’antan ont disparu et dans un pays sursaturé par le bruit et les frasques de stars productrices de tristesse et de défiance sociales, retrouver un peu de bonheur simple partagé – l’affectio mutualis – pourrait relever de nos urgences. Peut-être certains récits promus dans nos organisations sont-ils trop inspirés de l’air du temps. Dans ces conditions, nous sommes positionnés dans des espaces où la rivalité mimétique peut jouer à plein la guerre des récits. Il en va de même sur le terrain des indicateurs standards du marché.

Et l’homme d’Etat Michel Rocard (1930-2016) nous rappelle sans détour : « … la politique, c’est grave. » (Rocard M., 2015), tandis que le titre de Michel Dreyfus laisse toujours à penser : Une histoire d’être ensemble (Dreyfus M., 2006). Quelle histoire d’être ensemble construisons-nous, chaque jour ?

L’étude collective des synthèses publiées par nos présidents ne devrait-elle pas s’imposer à nos agendas ? A titre d’illustration, il en va ainsi du Journal d’une crise de Thierry Beaudet (Beaudet T., 2020) et de L’émancipation, horizon de nos engagements mutuels d’Eric Chenut (Chenut E., 2020). (R18)

Un livre est suffisamment difficile à écrire – on tente d’y transmettre le meilleur de son expérience et la fonction présidentielle ne facilite pas nécessairement la tâche – pour que, lecteurs, nous évitions d’être distraits à l’égard des livres de Jérôme Saddier, président d’ESS France (Saddier J., 2022), et de Jean-Louis Bancel, pour le monde coopératif (Bancel J-L., 2018).

S’agissant de l’éthique, peut-on suggérer une éthique des pratiques et un travail précis sur les possibilités d’une éthique des justes limites, au lieu d’une instrumentalisation de l’éthique au bénéfice de ceux qui assignent des normes inatteignables aux autres et l’appareil des formalismes permettant d’évaluer de manière descendante le travail des autres ? (de Vaivre A-M, Fessler J-M., 2020) (Fessler J-M., 2022).
Clairement, aucun professionnel d’un métier finalisé sur le réel ne peut garantir respecter en permanence toutes les règles, pour autant qu’il les connaisse et qu’il dispose du temps et des ressources pour en assumer le formalisme, les éléments de preuve. Ainsi, ils auront toujours tort même quand ils ont raison, face à ceux qui ont toujours raison même quand ils ont tort.
L’écho des extraits précédents paraît suffisamment puissant pour limiter le développement suivant à quelques flashs.

Quelques flashs multiaxiaux…

La nécessité de la nuance

Ne faut-il pas savoir gré au mutualisme de n’être pratiquement jamais tombé dans le manichéisme, procédé divisant le monde en deux : Bien-Mal, Etat-Individu, National-Territorial, Vieux-Jeunes, etc. On a aussi une version de ce type : Modernité=Progrès, Tradition=Conservatisme, Optimisme=Naïveté, Pessimisme=Catastrophisme, etc.


Toute entreprise est constituée de travailleurs, d’investisseurs, de fournisseurs et de consommateurs. Etre des sociétés de personne, ce que sont les mutuelles, signe notre raison d’être : des personnes au service d’autres personnes. Comme les entreprises qui privilégient les investisseurs, nous sommes tenus à des équilibres économiques et financiers. La vie de nos organisations est liée à la satisfaction et aux décisions de nos adhérents ou sociétaires.


Quelle contradiction que de se trouver dos au mur face aux éléments de langage nous taxant de ringardise ou, plus grave, aux décisions étatiques traduisant une aversion au pluralisme !
Alors qu’en matière de partage du pouvoir, notre « une personne, une voix » n’a guère de leçons à recevoir ; alors que l’adhésion est volontaire et ouverte ; alors que solidarité, responsabilité et primauté de la personne sur le capital font notre objet social ; alors que l’autonomie de gestion et l’indépendance par rapport aux pouvoirs publics ont été si chèrement préservées, pendant tout le 19ème siècle ; alors que notre lucrativité est limitée.


Certains donneurs de leçons qui promeuvent ou masquent tous les excès et gaspillages seraient peut-être bien inspirés d’appliquer à leurs propres espaces de responsabilité la modération mutualiste, qualifiée, non sans mépris, de troisième voie.
Mutualistes, nous tentons de vivre de façon non contradictoire nos différents rôles : consommateur, producteur, citoyen, épargnant, etc. Nous tentons de ne jamais tomber dans les pièges des extrémismes, antihumanismes qui en viennent à nier l’existence même des autres.

Notre projet politique n’est-il pas de lier et relier au mieux possible, chaque jour ?


La banalisation touche d’autant plus frontalement les mutuelles que, depuis le début des années 2000, la part de voix liée aux valeurs et à l’engagement s’est renforcée, portée par toutes sortes d’acteurs. Les prises de parole des mutuelles sont donc noyées dans ce discours ambiant, pourtant l’espace historique du secteur mutualiste.
Les mutuelles ne sont pas les seules organisations à souffrir de la banalisation d’un discours centré sur certaines valeurs. Les organisations syndicales, dont les prises de parole portent également sur des valeurs, éprouvent des difficultés de nature proche.
Les nouvelles formes d’engagement et la nécessité d’une démocratie interne renouvelée sont autant de défis qui devront pousser les appareils militants à se renouveler profondément, qu’ils relèvent de partis politiques, de mutuelles, de grandes associations ou de syndicats. (Milesy J-P., 2017)


Dans les conditions culturelles imposées par des officines d’influence, des fabriques d’éléments de langage à visée manipulatrice, un tsunami de dépenses publicitaires – selon le remarquable portail en ligne allemand Statista, les dépenses mondiales dans la publicité numérique étaient de 259 milliards de dollars US (USD), en 2021, en augmentation d’un tiers en 5 ans et représentaient la moitié des dépenses publicitaires qui, elles-mêmes, sont largement supérieures au produit intérieur brut d’un pays comme le Nigéria et ses 213 millions d’habitant, PIB qui était de 441 milliards USD en 2021 -, le mutualisme français est confronté à des risques souvent décrits.
Il s’agit de l’atrophie par repli sur des intérêts catégoriels, de l’isomorphisme avec les assureurs capitalistes, d’instrumentalisation politique, d’un contexte légal pénalisant. Malheureusement, les directives européennes n’ont guère été favorables aux mutuelles.

Croire à nos différences

Dans nos métiers comme dans bien d’autres, ce qui faisait la noblesse et la valeur des travaux de normalisation a été souvent dévoyé, pour l’exprimer rapidement. L’équilibre est fragile entre l’essence volontaire de normes, en construction comme en application, et la volonté d’obligation, sous contrôle étatique.

Avoir dû accepter, à l’instar du monde financier responsable de la crise de 2008 – dont les coûts vraisemblables ont été estimés à une année du PIB mondial, sans d’ailleurs que ce chiffrage ait été l’objet d’échanges et d’un consensus à la hauteur de la catastrophe – les critères de capacité et d’honorabilité (« fit and proper ») anglo-saxons en dit long sur une sorte de complexe de l’économie sociale et solidaire.
Complexe par rapport à certains cursus universitaires et généralement par rapport au monde anglo-saxon. Il en va d’ailleurs de même au chapitre du wokisme et de la culture de l’effacement (cancel) prêtés aux universités américaines.
Détail sans doute : il y a 4 000 universités aux Etats-Unis et le fédéralisme !
Demander à qui connaît bien les Etats-Unis aurait été trop simple.
L’antiaméricanisme primaire qui sévit en France dispense de mieux s’informer sur un pays 18 fois plus étendu que le notre et 5 fois plus peuplé.
Comme pour protéger les handicaps qui nuisent tant à nos atouts nationaux, d’aucuns semblent préférer ne pas regarder l’histoire et les complexités des autres afin que leurs convictions idéologiques demeurent pures et parfaites.

En attendant, les autorités de régulation se mêlent du fonctionnement démocratique des mutuelles qui ont l’avantage et l’inconvénient de n’être pas délocalisées !
Que dire des abus méprisants du terme « pédagogie » de la part de dirigeants qui n’ont jamais été évalués à l’aune de la qualité des interactions avec les autres, la règle dans les meilleures universités du monde ?
Pourtant, les militants mutualistes jouent le jeu. Il serait bienvenu de promouvoir leurs travaux de master et de les synthétiser. Il devrait en être de même des thèses de doctorat qui relèvent de l’ESS (Combes V., 2022) et d’articles d’une grande pertinence (Boned O., 2008, 2010, 2018). (R19)

Si nous-mêmes ne croyons plus à nos différences, qui le fera à notre place ?
Alors, la rivalité mimétique, sur l’espace univoque de la culture technique et marchande, créera difficultés et échecs. Réduit au rôle d’opérateur (de quoi, pour qui ?), de prestataires de services et régis par des appels d’offres, qu’en sera-t-il de la liberté mutualiste ?
Sommes-nous suffisamment conscients que plus notre « management » est compliqué moins nos valeurs peuvent s’épanouir et que plus nos principes humanistes sont classés au chapitre des atouts marketing, sous prétexte de fidélisation, moins nos adhérents auront confiance ?

La confiance, chapitre immense mais simple, en définitive.
Comme il est simple de souligner que l’administrateur est au cœur de l’identité de l’entreprise d’économie sociale – identité qui allie le même et le différent – et des articulations entre les élus, les salariés, les adhérents ou sociétaires et les multiples partenaires avec lesquels nous travaillons, hospitaliers, médecins traitants, enseignants, en particulier.

L’attachement des adhérents ou sociétaires ne repose-t-il pas en grande partie sur la vie sociale locale et les principes humanistes du mouvement mutualiste ?
Ce que nous n’hésitons pas à nommer l’intuition mutualiste n’est-elle pas en lien étroit avec tant d’aspirations contemporaines, tout particulièrement l’engagement locale.
Qu’on en juge à partir de ces quelques traits de cette intuition : la dignité passe par la possibilité de la réciprocité ; le marché concurrentiel et les motivations lucratives ne peuvent être les seuls leviers de la construction de l’avenir ; la conciliation est de pratique permanente entre les contraintes économiques, l’ambition sociale et le respect des valeurs humanistes.

En France tout particulièrement, aucun succès, aucun défi relevé de quelque ordre qu’il soit, aucune victoire d’équipe n’est sereine, tant est permanent le soupçon, entretenu par l’avalanche de principes et d’abstractions juridiques, que les personnes et les équipes en question étaient borderline.

Nous attendons donc un travail permanent de traduction des conséquences concrètes des textes sur les pratiques. A défaut, notre capacité de représentation de notre présent est sérieusement affectée. Comme sont affectés aussi nos systèmes de pensée et nos organisations quant à l’anticipation, que chacun espère. Elle est généralement rendue impossible par des « coups » politiques et technocratiques. Au nom de la modernité, des gens nomment cela sortir de sa zone de confort. Quel confort ? Celui de salariés relevant de plans sociaux ? Celui de villes moyennes décharnées ? Celui de quartiers rendus sensibles – et par qui ?
Quel est le retour d’expérience démocratique et validé de la gestion de la pandémie ? Qui investit aux carrefours des savoirs, des disciplines, des enjeux et des pratiques ? (R20)
Sans conclure, nous soumettons à la réflexion les réponses obtenues par l’application ChatGPT à nos questions de décembre 2022. Le texte n’a pas été modifié.

« Qu’est-ce que la banalisation du mutualisme ?

Le mutualisme est un système économique et social basé sur le principe de l’entraide et de la solidarité. Dans le mutualisme, les membres d’une organisation mutualiste s’entraident mutuellement en partageant les coûts et les bénéfices de leurs activités.
La banalisation du mutualisme signifie que cette forme d’organisation économique et sociale est devenue plus courante et dirigée dans la société. Elle peut être due à un intérêt croissant pour les formes alternatives d’organisation économique et sociale, ou à l’expansion de certaines formes de mutualisme, comme les coopératives et les mutuelles, qui sont de plus en plus présentes dans différents secteurs économiques.

Comment prévenir et contrer la banalisation du mutualisme ?

Le mutualisme est un mouvement économique et social qui vise à promouvoir la solidarité et l’entraide entre les individus et les groupes. Il reste sur l’idée que chacun doit contribuer à la communauté et à l’amélioration des conditions de vie de tous, tout en bénéficiant de l’aide et de l’assistance des autres en cas de besoin.
Il existe plusieurs manières de prévenir et de contrer la banalisation du mutualisme :

1) Favoriser la participation active des membres : en impliquant les membres dans les décisions et les activités de la mutualité, on peut leur donner une réelle influence sur son fonctionnement et sur ses objectifs. Cela permet de maintenir l’intérêt et la motivation des membres et de renforcer leur engagement envers la communauté.

2) Promouvoir la diversité : en s’ouvrant à de nouvelles personnes et en encourageant la participation de groupes diversifiés, on peut éviter que le mutualisme ne devienne trop homogène et ne perde de sa vitalité.

3) Maintenir une vision à long terme : en fixant des objectifs à long terme et en agissant de manière responsable et durable, on peut montrer que le mutualisme a une valeur ajoutée et une utilité concrète pour la communauté.

4) Sensibiliser et informer : en sensibilisant les membres et le public à l’importance et aux enjeux du mutualisme, on peut contribuer à sa reconnaissance et à son dynamisme.

5) Faire preuve de transparence et de responsabilité : en étant transparent sur les activités et les finances de la mutualité et en agissant de manière responsable et éthique, on peut renforcer la confiance auprès des membres et du public. »

Sans évoquer ici les questionnements nécessaires portant sur le développement de l’intelligence artificielle – pour mémoire, intelligence signifie d’abord renseignement – et précisément sur les algorithmes de traitement des données de ChatGPT, ne peut-on saluer la sobriété et la qualité des résultats, sens positif de la banalisation et objectifs de long terme compris ?

Pour les points qui seraient considérés prioritaires, les mutuelles veilleront à pouvoir organiser leurs pratiques et mesurer les effets de ces pratiques. Il s’agira d’analyser, de la façon la plus claire et collective possible, si l’écart entre les discours et les actes, en particulier dans un environnement concurrentiel fort, tend bien à se réduire.

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