Au-delà des discours, soutenir les initiatives en économie sociale.

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Olivier Boned

Délégué général
de l’Institut Montparnasse,
Olivier a un parcours de formateur
lui permettant de développer
des formations courtes, certifiantes
ou diplômantes pour les militants MGEN,
mais aussi d’enseigner dans diverses
universités autour des thématiques d’innovation
sociale, de gouvernance, fruit de 20 ans
d’expériences dans l’économie sociale, entre
mutuelles et banques coopératives, en France
et à l’international.

Au-delà des discours, soutenir les initiatives en économie sociale.

La résolution des Nations Unies,
« promouvoir l’économie sociale et solidaire pour un développement durable », adoptée le 18 mars 2023, confirme l’intérêt grandissant pour l’économie sociale. Les velléités de changement de société, les aspirations d’une jeunesse, mais pas seulement, à un vivre et travailler autrement, à allier sens et épanouissement deviennent des aspirations régulièrement manifestées dans la société. Cependant, l’actualité de cette reconnaissance ne reflète qu’imparfaitement deux dynamiques bien plus profondes.

 

Tout d’abord, cette reconnaissance institutionnelle de l’ESS est largement l’expression d’une dynamique internationale portée par les acteurs durant les trente dernières années. Les années 2000 furent riches de conférences européennes de l’Economie sociale mais aussi de nombreux développements de coopératives en Afrique soutenues par les banques coopératives françaises, allemandes, québécoises allant jusqu’à une forme de concurrence dans l’aide au développement de réseaux coopératifs inspirés du modèle des aidants. 

Les années 2010 marquent un tournant. 2012 est reconnue année internationale des coopératives. En 2012, 2014 et 2016, les sommets internationaux des coopératives réunissent à chaque événement 3 000 personnes à Québec. En 2013, Medess, porté par des acteurs souhaitant créer du lien entre les rives de la méditerranée réunit des jeunes, des acteurs de l’ESS français et tunisiens, mais pas seulement, à Tunis.

Ensuite, cette forte dynamique de visibilité des années 2010 masque des limites de taille. Si le concept gagne en visibilité, certains acteurs français ou internationaux tentent de le capter ne contribuent finalement qu’à perturber les contours de l’ESS. Cette appropriation par certains d’un concept à valeur de « commun » s’accompagne d’un désengagement des acteurs de l’ESS dans l’aide au développement et la coopération avec les acteurs de l’ESS de pays du Sud. Les calculs sont plus individuels, la place à des actions de solidarité – d’autant plus internationale – semble ne plus trouver autant d’intérêt. On assiste à un recentrage sur les enjeux qui s’inscrivent au cœur de la stratégie et des objectifs de l’organisation. Ce changement de positionnement d’une partie des acteurs de l’ESS a de multiples manifestations : moins de soutien aux initiatives locales, désengagement financier et désintérêt pour les initiatives de coopération comme Medess ou les fédérations internationales, ce qui aura comme conséquence d’hypothéquer la reconnaissance future des organisations de l’ESS. La période actuelle de valorisation de l’ESS pourrait faiblir si nous n’investissons plus les lieux d’influence au travers d’actions de représentations internationales.

Autre enjeu, comment continuer à porter un discours sur la solidarité, sur un modèle d’entreprise aux multiples impacts positifs sur la société si nos organisations de l’ESS ne viennent pas appuyer le développement d’actions et de projets ESS par-delà nos propres frontières ?

L’Agence Universitaire de la Francophonie Moyen-Orient a soutenu un projet d’accompagnement et de renforcement d’enseignements au sein du master ESS de l’Université Libanaise. Trois acteurs français se sont engagés dans ce projet, la Fédération nationale de la mutualité Française, la Chaire ESS de  l’Université du Mans et l’Institut Montparnasse. Ce projet comprend deux volets ; un premier  finançant un voyage d’étude en France pour des universitaires libanais permettant de rencontrer durant un mois les acteurs français de l’ESS. Un deuxième volet visant à proposer des cours à distance ou en présentiel au bénéfice des étudiants en première et deuxième année du master ESS de l’Université Libanaise. 

Au-delà de la résilience libanaise, image d’Epinal, à la hauteur de leur accueil même lorsque tout vient à manquer, plusieurs constats s’imposent. L’extrême fragilité actuelle du pays, avec une instabilité politique qui s’incarne par l’absence de dirigeants, la pression imposée par des forces politiques extérieures et néanmoins voisines, l’inflation record qui rendra difficile un retour de la livre libanaise, l’absence de rémunération des fonctionnaires, l’arrêt de toutes prestations sociales à commencer par la sécurité sociale symbolisent une rupture du système économique, politique et social. Dans cette situation les mutuelles libanaises, au nombre de 60 et qui sont apparues durant les années soixante-dix, représentent un espoir et un refuge. 

Elles permettent de financer en partie et pour une partie seulement des Libanais un accès à la prise en charge de soins, essentiellement hospitaliers. Elles représentent également une expression de soutiens de solidarité, au-delà de leur objet de prise en charge de la santé. Elles sont ensuite, une source d’espoirs pour de plus en plus de Libanais et à la fois peuvent apparaître comme des organisations de solidarité transcommunautaire dans un pays organisé en silo en fonction de sa communauté d’origine. Cela tiendra essentiellement à la mobilisation des acteurs libanais mais ne doit pas nous exonérer de nous y engager en tant qu’acteur européen, ou simplement comme acteur aux valeurs de solidarité affichées.

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